«Je ressens de l’émotion et de la honte» a déclaré Reinhold Bocklet, à l’Hotel de ville d’Oradour-sur-Glane après avoir visité le village martyr et s’être recueilli devant le monument aux morts. «De la honte car ce sont des Allemands qui ont commis un tel crime avec une telle bestialité, au nom des Allemands» a-t-il poursuivi.
Dans le cadre des rendez-vous avec la Bavière, le ministre bavarois ayant souhaité rendre hommage aux martyrs d’Oradour, Raymond Frugier, maire d’Oradour-sur-Glane a tenu à «transgresser une règle non écrite: celle d’accueillir officiellement un reponsable Allemand dans l’Hotel de Ville d’Oradour».
Cette visite fut celle de l’émotion. Déjà, à la sortie de l’église du village anéanti par les nazi le 10 juin 1944, église dans laquelle ont été massacrés les femmes et les enfants du village, le ministre bavarois a glissé discrètement à Raymond Frugier: «Il ne faut pas oublier, mais ce n’est pas une raison pour ne pas se tendre la main». C’est avec cet esprit de partenariat que le maire d’Oradour a construit son discours à l’Hotel de Ville avant de donner la parole au ministre bavarois. «Il y a des pages douloureuses qu’il faut tourner, a dit R. Frugier, (…) personne ne peut et ne doit oublier car tout peut recommencer et il serait imprudent de fermer les yeux sur ce qui surgit dans certains pays(…)». Reinold Bocklet, la gorge nouée, a tenu a s’excuser au nom du peuple allemand. «Je pense aux morts, aux enfants innocents aux femmes aux hommes assassinés par les Allemands, sous domination nazie, de la manière la plus atroce ici à Oradour. Je pense à la douleur des amis, des parents. Je pense aux espoirs, à l’amour et à la joie de vivre anéantis ici le 10 juin 1944. Je n’appartiens plus à la génération de ceux qui ont vécu ce drame, j’avais quatorze mois, mais j’imagine mon père ma mère et mon pays natal si on leur avait fait subir le même sort à la fin de la guerre. Je demande pardon aux victimes et aux survivants. Je voudrais vous remercier de m’avoir conduit ici. Nous ferons tout ce qu’il est possible de faire pour que rien de semblable ne se reproduise jamais. Je crois que tout Allemand qui est venu ici prend conscience du bien précieux, de la valeur inestimable de la consciliation Franco-Allemande. Je comprend aussi quelle force il a fallu à la France pour accepter de tendre à nouveau la main aux Allemands après la guerre. La grandeur de coeur des Français se manifeste ici, à Oradour-sur-Glane.»
Pierre-Marie le Gallo, Echo du Centre du Lundi 29 mai 2000
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