Emu, il laisse s’éloigner le cortège, gravit quelques marches et s’arrête devant la grange, pensif. Comme chaque année, en ce 10 juin, on commémore le massacre d’Oradour-sur-Glane, village martyr où 642 personnes, hommes, femmes et enfants trouvèrent la mort. Comme chaque année, Robert Hebras se rappelle. Il y a 56 ans, jour pour jour, la division SS «Das Reich» l’emmena de force avec les autres hommes du village dans la grange Laudy. Leur sort était scellé. Ils étaient destinés à être mitraillés puis brûlés…
Agé à l’époque de 19 ans, Robert Hebras en réchappa miraculeusement. Les Allemands le laissèrent pour mort puis mirent le feu. C’est quand il sentit cette intense chaleur sur son bras gauche et sur son crâne qu’il se décida à partir. «Je pensais qu’ils attendaient dehors. J’étais persuadé que j’allais être fusillé mais la douleur était trop forte. Mes cheveux brûlaient. Je ne pouvais endurer une telle souffrance. Je me suis levé. Ils n’étaient plus là. Jamais je n’oublierai.»
Ils furent six à s’enfuir de la grange. L’un d’eux fut rattrapé puis tué. Seuls deux d’entre eux peuvent encore témoigner aujourd’hui. Samedi plus de 500 personnes honoraient, en silence, les martyrs d’Oradour.
53 victimes d’Alsace et de Moselle
Les écoliers d’Oradour, la famille des martyrs et les officiels ont défilé dans les rues du village, précédés par les porte-drapeaux. Emotion, recueillement et mémoire marquaient cette cérémonie. MM. Pierre Mutz, préfet de la région Limousin, Jean-jacques Besse, représentant Robert Savy, président du Conseil Régional, Jean-Claude Peyronnet, sénateur, président du Conseil général, Alain Rodet, député-maire de Limoges, élus, autorités régionales de la région et du département, tous étaient réunis pour cette date anniversaire.
Parmi les personnes présentes, on notait également pour la deuxième année consécutive, la présence du PRAF (les Patriotes Réfractaires à l’Annexion du Fait). Rejetant l’entente «Franco-Allemande», ces Alsaciens et Mosellans (420.000 en tout) furent dès 1940, explusés vers la zone libre. Parmi eux, 53 s’installèrent à Oradour. Leur nom est inscrit sur la liste des victimes.
Allemagne : vers le rapprochement
Malgré le drame, malgré la souffrance endurée et la perte, dans le massacre, de ses deux soeurs et de sa mère, Robert Hebras tend aujourd’hui la main vers l’Allemagne.«Il est nécessaire que les peuples se rassemblent. J’espère que ces liens étroits que nous tissons avec l’Allemgne nous permettrons d’éviter de telles horreurs.»
C’est dans cette voie que s’engage aujourd’hui le maire d’Oradour, Raymond Frugier. Critiqué par certains, compris par d’autres, il a récemment reçu dans sa municipalité un représentant de l’Etat de Bavière, une première à Oradour.
«je n’étais pas au courant, indique Robert hebras, Je ne l’ai appris que le lendemain, par la presse. Je suis favorable au rapprochement. Ce que j’attend cependant, c’est la demande de pardon officielle de la part des autorités allemandes, pour ce qui a été commis à Oradour…»
Franck Lagier, Populaire du Centre du mardi 13 Juin 2000
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