Près de 60 ans après, les passions restent toujours vives, pour l’exemple, voici un exemple de ce qu’on peut recevoir après un hommage à la résistance au cours d’une commémoration de l’anniversaire d’un massacre de partisants par la milice près de chez nous.
Sandlarz commandait un maquis assez enclin aux représailles sur le canton de Magnac (on dit un “maquis de sang”), rien à voir avec l’armée commandée par Gingouin sur le sud du département. L’auteur de la lettre mélange les événements d’Oradour et ceux de Magnac qui se sont déroulés à près de deux mois d’écart. De plus il parle de livres qui auraient été interdits? Si ils sont du tonneau des affirmations d’un certain qui clame que les “chambres à gaz sont un point de détail”, en effet on peut en effet les mettre au pilon. Même si c’était vrai, le fait que deux compagnies FTP aient passé la nuit près d’Oradour n’excuse en rien le massacre. Même si Oradour avait été un “nid de maquis”, les enfants brûlés dans l’église en faisaient -ils partie? Mais de toute façon, pourquoi, si ces propos sont vrais, passer par une lettre anonyme?
Le fait que les maquisards “rançonnaient les épiceries” n’est pas tout à fait faux, à ceci près que les “cibles” étaient les commerçants ou agriculteurs qui pratiquaient des prix astronomiques en ces temps de restrictions. Le colonel Guingoin, pour sa part faisait placarder des avis sur les portes des profiteurs avec un barème des tarifs à ne pas dépasser sous peine de représailles. Et de toutes façons, le fait d’exiger justice et égalité (pour ne pas dire liberté, égalité, fraternité) n’a pas à amener les exactions dont les habitants d’Oradour ont été les victimes.
“Alain Rodet, député (3ème circonscription, couvrant les secteurs de primo-résistance dans le département, l’ancien secteur du colonel Guingoin) et maire actuel de Limoges, avait été frappé par la permanence des conflits et clivages locaux cristallisés il y a près d’un demi siècle. Cette catégorisation mutuelle (droite-gauche, “Pétain”-“Maquis”) emprunte la forme d’une stigmatisation familiale, de caractère collectif, pour se perpétuer. Nonobstant telle ou telle prise de position politique actuelle et non équivoque d’une jeune en rupture avec la “tradition” politique familiale, une suspicion (non légitime, mais c’est une autre affaire…) pèsera sur sa sincérité, du fait de son appartenance à une lignée “déjà classée”, la période de la Résistance se révélant souvent centrale dans l’opération de discrimination.” Georges Guingoin Premier Maquisard de France, éditions Lucien Souny, par Georges Guingoin et Gérard Monédiaire.
Pour ma part, je n’ai pu que difficilement parler de cette période avec ma famille:
- Mon père avait 9 ans en juin 1944 et tout ce dont il se souvient c’est que les écoles avaient fermé dès l’annonce du massacre (à cause de la peur de se retrouver sans enfants dans la commune).
- Mes grands-parents n’habitaient pas dans une zone maquis. Cela ne les a pas empêcher de les aider quand ils le pouvaient avec leur maigres moyens. Et le souvenir du massacre aveugle (n’importe quel bourg aurait pu être rasé de la même manière) les a toujours amenés à éluder mes questions. Si le souvenir est passé aux jeunes générations, il est silencieux et pesant comme une minute de silence en hommage aux martyrs.
Comme 80% des postiers, j’ai commencé par travailler à Paris. Là-bas, on rencontrait des collègues de toutes régions et de tous milieux. Un soir, avec quelques collègues, nous dînions après le travail, et la conversation glissa vers les évènements d’Oradour, nous étions deux Limougeauds à la table. Quand soudain, un collègue originaire d’Alsace nous sort : “- Mon grand-père y était, lui, à Oradour”. L’air embêté qu’il a eu par la suite “zut j’en ai trop dit ou pas assez”. On lui a dit de ne pas aller plus loin. Nous n’avions pas le courage de vouloir savoir de quel côté il était.
Aujourd’hui, je m’en veux de ne pas le lui avoir demandé. Ce grand-père était-il réfugié, résistant ou S.S.? Les “malgré-nous” Alsaciens ou Lorrains enrôlés de force dans l’armée Allemande étaient soit dans la Wehrmacht et envoyés sur le front de l’est pour éviter les désertions, soit enrôlés dans les SS qui savaient les manipuler pour en faire ce qu’ils voulaient (en général les plus jeunes, c’est plus facile). Un Alsacien faisant partie de l’armée Allemande en France était forcément S.S., malgré-nous ou volontaire; il y a toujours des brebis galeuses et les populations martyrs assimilent facilement les uns aux autres, d’où le malentendu.