Oradour Sur Glane – 10 juin 1944

DISTINCTION. Hommage aux martyrs

Demain, le général Woizard, président nationale de la société d’entraide de la Légion d’Honneur, sera à Oradour-sur-Glane (87). Mandaté par l’Élysée, il remettra à Raymond Frugier, maire de la commune, le Brevet de la légion d’Honneur. Qu’on ne s’y trompe pas : le fait que la ville soit décorée de la Légion d’Honneur n’est pas une nouveauté. En réalité, cela fait 51 ans qu’elle est officiellement parée de cette distinction.

L’histoire commence en 1949, le 28 février pour être précis. Ce jour-là, l’État décide d’attribuer la Légion d’Honneur ainsi que la Croix de Guerre avec palmes à la commune d’Oradour, en mémoire de ses martyrs. Le décret idoine est publié au Journal Officiel, le 27 avril 1949. Quelques jours plus tard, en mai 1949, le maire d’alors, Aimé Faugeras, fait savoir que ni lui ni le conseil municipal n’acceptent cette distinction. Un tel refus est très rare mais en l’occurence, il est justifié : les édiles d’Oradour considèrent qu’il n’est pas question d’honorer la ville de la sorte «avant que les bourreaux soient jugés et châtiés».

L’association nationale des familles de martyrs, elle, ne l’entend pas de cette oreille. Elle fait valoir que la Légion d’Honneur est attribuée aux morts et martyrs d’Oradour et non à la municipalité en tant qu’entité administrative. Elle écrit à l’État pour que l’attribution de la décoration puisse avoir lieu. Le 10 juin 1949, Paul Ramadier, Ministre de la Défense, se rend à Oradour pour décerner la Légion d’Honneur. Le maire et le conseil municipal boycottent l’évènement et se sont deux orphelins qui reçoivent le diplôme, en présence de l’association des familles de martyrs. Le dimanche 12, c’est à dire deux jours après la venue de Ramadier, un «rassemblement pour la paix» se tient à Oradour, en protestation à la remise de la Légion d’Honneur. Y participent plusieurs personnalités comme Joliot-Curie ou Aragon.

Puis on ne parle plus de cette histoire… pendant exactement quatre ans.

En 1953, alors que le procès de Bordeaux s’est tenu, l’association des familles de martyrs, outrée par le vote de la loi d’amnistie, décide de couper les ponts avec l’État… et de lui redonner la Légion d’Honneur. Une délégation est constituée pour rapporter le document au préfet de l’époque.

Depuis, personne n’a jamais souhaité remettre la question de la Légion d’Honneur à l’ordre du jour, bien que le décret, lui, n’ai jamais été annulé. Autrement dit, la ville d’Oradour est restée, pendant 47 ans, titulaire d’une décoration sans en détenir le document qui en formalise l’existence.

Raymond Frugier, maire en exercice, estime qu’il est temps que les choses rentrent dans l’ordre «ne serait-ce que par respect pour les morts, qui méritent cette distinction». Apprenant que la société de la Légion d’Honneur souhaite organiser son assemblée générale annuelle à Oradour, Raymond Frugier se dit que l’occasion est idéale pour que le diplôme réintègre les murs de l’Hôtel de Ville.

Bien sûr, il contacte au préalable l’Association des familles de martyrs pour leur soumettre l’idée, qu’il livre ensuite aux membres de son conseil municipal.

Le retour de la Légion d’Honneur à Oradour ne suscitera ni enthousiasme ni heurts. C’est simplement un fait accompli, une conclusion évidente, une marque de respect supplémentaire portée à la mémoire des disparus.

Non, ni enthousiasme, ni heurts. A Oradour, la douleur est trop profonde pour qu’on la porte en étendard.

Stéphane Marmain – l’Echo du Vendredi 20 Octobre 2000

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Une décoration très rare

Seules quelques villes en France ont été décorées de la Légion d’Honneur. Parmi elles, on trouve Caen, Verdun ou encore Vassieux-en-Vercors. En revanche, Oradour est la seule ville de notre région à avoir reçu une telle décoration.

L’usage veut que ce soit le président de la République en personne qui signe le diplôme. Pour Oradour-sur-Glane, c’est donc… Jacques Chirac qui a apposé son paraphe.

Pourquoi Jacques Chirac? Parce que le diplôme avait été perdu et qu’il a fallu en créer un nouveau !