«Visiter ce lieu en présence des survivants du drame est très émouvant. Cela me laisse sans mots».
Pour sa deuxième journée de visite en Haute-Vienne, le secrétaire d’Etat à la défense chargé des anciens combattants, Jean-Pierre Masseret, s’est rendu à Oradour-sur-Glane, ville-martyr et symbole tragique des exactions perpétrées par la division Das Reich et le régime nazi il y a déjà cinquante-six ans. Accompagné d’une importante délégation d’élus, de membres du haut commandement militaire et de divers responsables d’associations d’anciens combattants et résistants, il a parcouru, tôt dans la matinée, les ruines du village meurtri avant de découvrir le Centre de la Mémoir, érigé dans un but pédagogique, comme un complément explicatif en forme de muséum. «Le risque avec les ruines, expliquait Jean-Claude Peyronnet, président du Conseil Général et Président du Centre de la Mémoire, c’est qu’elles deviennent avec le temps un lieu de visite touristique comme un vulgaire château fort. Par ailleurs, on siat que la biologie obligera un jour les derniers survivants à nous quitter et qu’il faudra cependant continuer le travail de mémoire. C’est le rôle de ce Centre.»
La visite du ministre était également justifiée par l’inauguration de la nouvelle exposition temporaire du Centre, «D’une guerre à l’autre», conçue par ses services ministériels, via la DPMA (direction dela mémoire, du patrimoine et des archives), et complétée par une documentation locale (archives départementales et archives de la Ville de Limoges).
L’idée de cette exposition est de rassembler des documents et iconographies retraçant tout un pan du 20ème siècle, de la guerre de 1914-1918, qui devait être «la der des der» à celle de 39-45. Une série de panneaux thématiques qui montre parfaitement comment on a pu passer d’une paix ratée à l’émergence de périls (fascisme, antisémitisme, régimes autoritaires…) qui devaient accoucher d’un second conflit, encore plus terrible sur le plan moral car marqué du sceau de l’eugénisme. Au final, l’exposition laisse un goût amer, comme si l’espoir devait toujours précéder la terreur, comme si rien n’était jamais vraiment fini et que l’horreur pouvait, à tout moment, ressurgir. «C’est pour cela, indiquait Jean-Pierre Masseret, qu’il faut toujours s’interroger sur les moyens à employer pour que l’intelligence de l’homme l’emporte sur sa folie, pour que les valeurs de la citoyenneté et celles qui ont fondé la République permettent d’éviter que de tels faits se reproduisent. Or, on sait que rien n’est réglé. Dans d’autres pays, la tragédie d’Oradour s’est reproduite, se reproduit et se reproduira sans doute encore. Il faut être plus vigilant que jamais.»
Pour Jean-Pierre Masseret, la transmission de la mémoire aux jeunes générations,«c’est les éduquer au jour le jour. Il faut éviter à tout prix que se reproduisent les schémas d’hier, cette tentation de désigner un bouc-émissaire, de dire «si je n’ai pas de travail c’est parce qu’il y a quelqu’un d’origine étrangère qui me le prend». Il est très important de veiller à ce que nous ne devenions pas les fossoyeurs des valeurs que nous prétendons défendre.» Le ministre ne partait pas bien sûr sans saluer les anciens combattans et résistants dont son ministère a la charge, indiquant qu’il ne faut pas oublier que ce sont eux «qui ont fait la liberté d’aujourd’hui».
«Je suis, je pense, comme les enfants des écoles qui viennent visiter le Centre de la Mémoire, concluait le ministre, je repars différent…»
Stéphane Marmain, Echo du Centre du samedi 22 avril 2000
[ RETOUR ]