Oradour Sur Glane – 10 juin 1944

Oradour-sur-Glane

Le travail que ces jeunes lycéens ont effectué se rapproche de la démarche scientifique des historiens. Ils ont épluché pendant une semaine les archives mises à la disposition par le Centre de la Mémoire d’Oradour-sur-Glane, pour approcher une part de vérité concernant le massacre du 10 juin 1944. D’après Madame Geisler-keidel, leur professeur de français «Dans les bibliothèques allemandes, très peu de livres abordent ce sujet et les informations que l’on y trouve sont souvent contradictoires. Il faut venir sur place pour avoir une idée précise de ce qui s’est passé.» C’est en lisant un article du Berliner Morgenpost à propos de l’inauguration du Centre de la Mémoire d’Oradour, que Clunlan, Indra, Billan, Magdalena, Caroline et Camila ont eu connaissance de l’existance du village français d’Oradour-sur-Glane.«Moi je ne savais pas tout, mais j’en savais quelque chose, ajoute Mme Geisler-Keidel, eux n’en savaient rien. C’est pour cela que nous avons pris contact avec le Centre de la Mémoire.» Ce vaste monument dédié au drame et aux souffrances du village martyr se veut également un lieu de connaissances et de recherches. Ainsi s’exprime Anne-Dominique Barrère, directrice de cet établissement «Ce Centre de la Mémoire est avant tout un outil, qui doit permettre à terme de travailler en réseaux. Il est indispensable de ne pas rester isolés sur Oradour, pour s’ouvrir davantage sur les pays européens, et plus largement encore.». Au cours de leur studieuse semaine, les jeunes berlinois ont visité le village martyr, discuté avec Jean-Marcel Darthout, rescapé du drame, et compulsé toutes les archives disponibles. «Nous avons voulu venir voir ce que les Allemands ont fait, explique Caroline, nous avons été étonnés de voir que les ruines étaient conservées, nous ne nous attendions pas à tant de malheur.» Ils ont été guidés dans leur démarche par Emmanuelle Ballot-Pascal, documentaliste au Centre de la Mémoire, qui certifie qu’«ils ont été très appliqués, très consciencieux pour rendre des travaux les plus sérieux possibles.» Il est tout à fait intéressant de constater que Mme Geisler-Keidel assure que «Seules quelques lignes des livres d’histoire allemands sont consacrées au village d’Oradour, quand il en est question. Dans les livres français, il y a un peu plus, mais ce n’est pas suffisant» Ces jeunes gens réaliseront une exposition pour leur école, et le Centre de la Mémoire de Berlin se montre également intéressé par leurs travaux. Agés de 17 à 19 ans, ils n’avaient auparavant aucune connaissance précise sur ce qui avait pu se passer à Oradour-sur-Glane, et se sont tous montrés très volontaires pour venir rechercher sur place une part de vérité historique. La question délicate du pardon collectif a été abordée par Anne-Dominique Barrère qui souligne que «Cette décision n’appartient pas au Centre de la Mémoire ; les deux derniers rescapés ont pardonné à titre individuel à la nation allemande, mais ce sont des décisions personnelles». Ces lycéens allemands ont été très marqués par ce qu’ils ont appris cette semaine ; ils en témoigneront à leurs amis, qui eux aussi auront accès à la part de vérité dégagée. «Ce sont les petits ruisseaux qui font les grandes rivières» conclut modestement A-D. Barrère qui réitèrera dès que possible, et avec plaisir, ce genre d’expérience. A déplorer néanmoins une anecdote: pendant leur court séjour, les jeunes gens ont fait «connaissance» de jeunes français scolarisés, qui après avoir visité à leur tour le village en ruines, ont traité de «boches» les jeunes chercheurs. Anecdote inquiétante ou ridicule, elle n’en reste pas moins la preuve que la bêtise, comme l’ignorance crasse, ne connaissent ni sexe, ni frontières.

Marianne Denis, Echo du Centre du Jeudi 29 Juin 2000

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