Dans la tradition limousine comme dans le mythologies de tous les peuples, les plantes et les fleurs – en tout cas certaines d’entre elles – sont créditées de vertus médicinales ou magiques; quelquefois aussi elles sont reconnues néfastes ou dangereuses. Certaines ont à elles seules leur pouvoir ou leur symbole; mais regroupées en bouquet, ensemble ou avec d’autres, elles ont une valeur très forte.
A l’occasion de certaines foires ou fêtes patronnales, jadis, se tenaient, plus ou moins formalisés ce qu’on pourrait appeler de nos jours “bourse au mariage” et “marchés aux journaliers”. A cette occasion, les jeunes filles en quête de fiancé arboraient une rose placée à l’ouverture du corsage et les garçons à la recherche d’un emploi, un épi de blé à leur chapeau. Si la jeune fille “trouvait chaussure à son pied”, elle le faisait savoir à tout autre éventuel prétendant par un déplacement de la fleur vers la gauche, côté coeur. Et le garçon qui était embauché retirait l’épi de son couvre-chef. La même symbolique était utilisée par les filles qui souhaitaient se louer comme paucho, servante ou bergère.
La fougère, le millepertuis, le bleuet ou la joubarbe étaient – sont toujours? – efficaces contre l’orage, les genêts et la chélidoine, contre les verrues, alors que la belle pervenche aux prunelles bleues était manipulée par les sorciers!
Réunies en bouquet, des plantes et surtout des fleurs, mais aussi, à défaut, un peu de verdure, hissées au faîte de la charpente qu’on venait d’établir, appelaient la bénédiction des forces mystérieuses sur la maison et ses occupants! Mais l’efficacité de cette “composition” ne prenait toute sa puissance que si elle comportait une branche de vigne, invitation symbolique à libations réelles, “arrosage” convivial au cours duquel le vin ou l’apéritif scellait, mieux qu’un mortier ou qu’une pointe, la solidité de l’édifice! Cette vieille tradition, complémentaire de l’usage “d’arroser” aussi la pose de la “première pierre”, et même la pierre dépassant l’épaisseur du mur, n’est pas obsolète, comme on a vu, il y a peu, à l’occasion de la pose d’un élément métallique décoratif sur un établissement municipal à Limoges… Bouquet symbolique et magique aussi, celui qu’on attachait – la tradition, là encore, est maintenue – à la perche du feu de Saint-Jean et dont on se partageait les composants roussis en même temps que les tisons, pour se prémunir contre l’orage ou le mal de reins, ou même pour faire pondre les poules!
Bouquet, encore, composé de plantes et fleurs cueillies le matin de Saint-Jean, avant le lever du soleil, et qu’on accrochait au linteau de la porte d’entrée de l’habitation ou de celle des étables. Rose, aubépine, sureau, stellaire, millepertuis, noisetier, armoise ou digitale combinaient leurs vertus pour éloigner les sorts, les maladies, la foudre, protéger ceux qui franchissaient le seuil, à commencer par les propriétaires, ou “purifier” le visiteur qui pourrait avoir mauvais oeil ou mauvaise main. Bouquet, enfin, placé jadis, selon Coissac, au 1er Mai, sur la façade de l’habitation ou aux volets des jeunes filles, afin d’honorer sans doute leur beauté ou louer leur virginité, ou, plutôt, les inviter à ne pas coiffer Sainte-Catherine…
Maurice ROBERT , Centre France Dimanche 22/02/1998