Depuis que Charlie a déposé la marque “Front national”, les fascistes français s’étouffent et nous menacent des pire procès. Alors même qu’ils ont sournoisement volé le titre aux résistants..
Les membres de l’organisme appelé fallacieusement FN n’ont décidément aucune honte. Ils menacent Charlie des tribunaux alors qu’ils ont notoirement volé le nom de “Front national” aux résistants.
Petit rappel historique. En 1972, Le Pen unifie plusieurs groupuscules d’extrême droite (dont Ordre Nouveau). Beau et fier comme une barre de fer compressée, le conglomérat prend le nom de Front National pour l’Unité Française (prononcer Fffnnufff”). La suite, on la connaît. Le Fffnnufff sera abrégé en Front national. (Prononcer “Héfhaine”.)
Tout est faux dans le FN!
Seulement voilà, le Front national, l’authentique, n’est pas né en 1972, mais en 1941, dans la zone nord de la France, occupée par les troupes hitlériennes. Ils n’étaient pas cette copie revue au goût du jour du pétainisme, mais luttait contre lui. Il n’a pas été lancé par une poignée de Poujadistes et de rangers aboyantes, mais par des intellectuels communistes comme Jacques Solomon et Georges Politzer, avant de s’élargir à tous ceux qui voulaient lutter contre le système nazi, comme Mgr Chevrot, prédicateur à Notre-Dame de Paris.
Ce Front-là faisait circuler des journaux et des tracts clandestins et s’organisait en FTP (Francs-tireurs et partisans) dans les maquis. D’abord essentiellement présent dans la zone nord, le Front national, dirigé par le communiste Pierre Villon, s’étendra ensuite à toute la France et ralliera le CNR (Conseil national de la résistance) de Jean Moulin.
Le Front national, ce sont des hommes et des femmes comme Vincent Badie, député qui refusera les pleins pouvoirs à Pétain, Marie-Claude Vaillant-Coutuirer, déportée à Ravensbrück, Frédéric Joliot-Curie, prix Nobel, le cégétiste Benoît Frachon, les écrivains Louis Aragon, Pierre Seghers et François Mauriac, le pasteur Eberhart, le révérent père Philippe, qui planquait des enfants juifs dans le couvent des Carmes, la militante communiste Danielle Casanova, morte en déportation, Jacques Solomon, torturé et assassiné.
Le parti qui se dit aujourd’hui FN n’a donc évidemment rien à voir avec tous ces résistants. Pire, il est l’héritier spirituel de leurs bourreaux. Le FN (lepéniste ou mégrétiste, selon les goûts internes) préfère les collabos comme Paul Malaguti, aujourd’hui décédé, qui appartenait au PPF de Doriot, les racistes en costard, les sauteries avec le Waffen SS Schönhuber, les “Durafour crématoire”, les incitations à la haine raciale, les immigrés morts par noyade sur le passage des défilés.
En plus d’avoir été volée, l’appellation Front national a donc été, de plus, parfaitement salopée. Comme leprécise l’ANACR (Association nationale des anciens combattants de la Résistance): “Une fraction profane le nom de cette grande organisation de résistance que fût le Front national.“
Ce ne serait d’ailleurs pas la première fois que l’extrême droite essaye de récupérer la Résistance. Charlie avait déjà découvert, dans le comité de soutien du FN pour les régionales, une fausse FFI du maquis de Scévolle, dans la Vienne, Marthe Bellet-Delille. En septembre dernier, le maire FN d’une commune de l’Yonne a été condamné au tribunal correctionnel d’Auxerre pour avoir usurpé les titres de “Médaillé de la Résistance“. Le Pen lui-même a faussement prétendu avoir participé au soulèvement du maquis Saint-Marcel le 18 juin 1944.
Avec Charlie, rendons le Front aux anti-Front
Autant de raisons pour rappeler que lui, Mégret et leurs troupes sont décidément illégitimes pour utiliser le terme “Front national”. Comme le souligne Robert Créange, secrétaire général de la Fédération nationale des déportés, internés, résistants et patriotes: ” Nous nous battons pour sauver la mémoire, pour que les jeunes réfléchissent au système concentrationnaire nazi et à la manière dont il a pu arriver ; il faut donc rappeler cette page d’histoire et redire, par conséquent, ce qu’était le vrai Front national.“
À la création du parti lepéniste, les anciens résistants avaient d’ailleurs bien essayé de contre-attaquer, mais, leur organisation ayant été dissoute dans les années 50, les choses en étaient restées au point mort. Depuis, il y a eu un dépôt du titre par Charlie. On se prend à rêver un peu. Et à espérer que le nom puisse revenir aux antifascistes. Dans quelques semaines, on devrait avoir la réponse. On saura alors si Le Pen et Mégret devront s’inventer un nouveau nom. “Menton national”…
François Camé et Anne Kerloc’h, Charlie du 30 décembre 1998
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