Nouveau procès. Le Pen veut récupérer le titre “Front national”. Alors que “Charlie” vient d’en partager la propriété avec les anciens résistants.
C’est assez réjouissant. La bataille juridique pour la propriété de l’appellation Front national commence à peine. Et, déjà, Le Pen patauge. Le tribunal lui avait pourtant dit, il y a quinze jours, en substance : ” La dénomination “Front national” vous appartient peut-être. Mais il faudra en faire la preuve, “au fond”, lors d’un procès classique. Et non ‘”en référé”, lors d’une procédure d’urgence. “
A cette occasion, le tribunal avait même reconnu que les revendications de Charlie et des anciens résistants du Front national sur cette appellation étaient tout aussi recevables que les siennes, ou celles de Mégret.
Mais papy-FN est un peu dur d’oreille. Alors il s’obstine. Mercredi 3 février, il remet ça, toujours en référé. Et, cette fois-ci, en appel.
Une nouvelle fois, le vieux facho demande aux juges d’interdire d’urgence l’usage du nom “Front national” aux jeunes fachos du parti mégrétiste. Mais il va plus loin. Puisqu’il exige également du tribunal de rejeter les demandes de Charlie et des résistants.
“On chercherait vainement leur intérêt à agir” dans cette procédure, écrit son avocat.
Traduction du verbiage juridico-fasciste : certes, il existait un mouvement de résistance baptisé ” Front national”, qui s’est battu contre le nazisme sous l’Occupation. De fait, ces braves gens ont risqué – et, pour beaucoup, perdu – leur vie en se battant sous cette bannière. C’est sur : Le Pen a usurpé ce titre – et, par là même, sali leur jeunesse, leurs morts et leur mémoire. Mais on se demande vraiment pourquoi ils viennent se plaindre – précisément quand la justice doit dire à qui appartient cette dénomination.
Ce n’est pas forcément payant devant un tribunal. D’autant qu’en face les choses s’organisent, pour un futur procès “au fond”…
Le 18 décembre dernier, Charlie avait déposé “Front national” auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI). Ce que Le Pen avait oublié de faire. C’était déjà rigolo. Mais il y a mieux. La semaine dernière, Charlie a officiellement cédé au représentant des résistants, René Roussel, la copropriété de la marque déposée. Si bien que les rejetons de Pétain se trouvent maintenant face à un bloc juridiquement uni.
Finalement, quand on y pense, tout cela doit représenter, pour les lepéno-mégrétistes, une sorte de long cauchemar. Car enfin : il y a moins d’un mois et demi, ils étaient tout seuls à faire mumuse avec leur “FN”. Et Le Pen espérait faire 16% aux européennes.
Aujourd’hui, il n’est plus crédité que de 8,5% dans les derniers sondages. Son beau mouvement a éclaté, comme un vague groupuscule. Mégret, pour sa part, ne dépasse pas les 4% d’intentions de vote. Et ni l’un ni l’autre n’ont plus de sigle assuré. Ce qui fait que toute cette histoire risque de leur coûter cher, en nouvelles affiches et en nouveaux pin’s. Cela dit, rien n’est perdu pour eux. Si les juges décident qu’ils n’ont pas le droit de voler leur titre aux résistants, ils pourront toujours se rattraper. En piochant dans ceux des collabos.
François Camé et Anne Kerloc’h, Charlie Hebdo du 3février 1999.
[ RETOUR ]