«Les morts dépendent de notre fidélité; conservons la réalité brutale de ce crime absolu, qui doit appeler chacun à une reflexion, sur cette horrible barbarie qu’on pouvait croire d’un autre âge, mais qui n’en finit pas hélas, d’être dans notre monde toujours d’actualité. Mais Oradour assassinée, martyrisée, meurtrie à jamais dans sa chair, a pris pour toujours le premier rang des localités qui marquèrent la route sanglante des nazis en Europe». C’est par ces mots que samedi dernier (21 octobre 2000 NDR) Raymond Frugier, maire a souligné l’indispensable devoir de mémoire à l’occasion de la remise officielle – et hautement symbolique – du certificat attestant qu’Oradour-sur-Glane est membre de l’Ordre National de la Légion d’Honneur. Cette cérémonie c’est déroulée à la mairie en présence de très nombreuses personnalités civiles et militaires, de rescapés du massacre du 10 juin 1944 et de membres de l’Association nationale des familles de martyrs. Elle a eu lieu à l’issue d’un dépôt de gerbe au tombeau des martyrs organisé par la société d’entraide des membres de la Légion d’honneur de la Haute-Vienne. Celle-ci tenait en effet son assemblée générale cette année dans la localité. Samedi, le premier magistrat de la commune a ainsi salué les 280 membres de la structure, et leur président, le général Raymond Rullier, qui, par un geste, ont «voulu rendre hommage à la mémoire de nos martyrs qui appartient à la mémoire collective».Si la Légion d’Honneur est de retour à Oradour, c’est aussi après un parcours pour le moins étonnant. |
En fait, elle a été décernée à la localité par un décret du 28 février 1949 comportant également la Croix de Guerre 1939-1945 avec palmes. Mais, le conseil municipal avait en mai 1949 refusé cette distinction «tant que ne seraient pas châtiés les bourreaux qui participèrent au massacre». Toutefois, l’Association nationale des familles de martyrs l’avait acceptée en souvenir des 642 victimes de la journée du 10 juin 1944. Ce jusqu’au 20 février 1953, jour du vote de la loi d’amnistie des incorporés de force dans les formations militaires ennemies. Immédiatement, une délégation s’était alors rendue à la préfecture pour rendre au représentant de l’État la Légion d’Honneur. Depuis, le brevet original n’a pas été retrouvé. «Toutefois, il convient de rappeler qu’à aucun moment, la démarche effectuée en 1953 par l’Association des familles de martyrs ne fut suivie d’effet; aucun retrait de la Croix de la Légion d’Honneur et de la Croix de Guerre à la ville d’Oradour ne fut jamais prononcée» précisait samedi Raymond Frugier. Ainsi, ces deux décorations restaient acquises à titre perpétuel à la commune. |
Oradour a donc reçu un certificat et l’installera en bonne place à l’Hôtel de Ville «en guise de respect suprême proté à la mémoire de nos disparus». «La tragédie d’Oradour appartient sans aucun doute à l’Histoire. A mesure que les évènements s’éloignent dans le temps, la mémoire publique de cette période s’affranchit des souvenirs individuels. Il fallait rappeler et normaliser cette situation pendant qu’elle est soutenue par les souvenirs de ceux qui ont vécu ces périodes difficiles et particulièrement douloureuses» ajoutait le maire d’Oradour avant de citer l’extrait d’un article de Georges-Emmanuel Clancier publié le 10 juin 1949 : «Cinq années ont passé, cinq printemps ont éclairé de leur joie les yeux des enfants. Mais il est un pays au monde où ces cinq années n’ont pas laissé de traces, mais l’éternité de l’horreur ; un pays de où il n’est plus de regards d’enfants pour découvrir les merveilles de vivre. ce pays se nomme Oradour». Un pays où 56 ans après les processus de normalisation avec le retour du brevet de la Légion d’honneur, de réconciliation avec la venue des délégations alsaciennes et de rapprochement avec l’Allemagne, sont désormais bien entamés. «Il faut que l’on construise l’Europe des esprits, des vrais rapprochements et pas seulement l’Europe économique» concluait Raymond Frugier. Sans gommer le passé. |