C’est véritablement un coup dur qui pourrait être porté à l’économie locale: la région du lac de Saint-Pardoux riche en uranium, on le savait déjà. Mais les dernières mesures communiquées hier (16/10/1998) peuvent inquiéter. A l’occasion de la vidange, des mesures ont été réalisées pour la première fois. Résultat: sur une zone précise d’environ 200 mètres, correspondant à l’arrivée du cours d’eau le Ritord, l’activité d’uranium 238 varie de 10000 à 20000 Becquerels (Bq)/kilogramme, contre un maximum de 3000 Bq/kg à l’arrivée de la Couze par exemple. Si cela ne signifie pas un danger pour les populations, ce problème doit néanmoins être réglé. Une volonté affichée hier par Jean-Claude Peyronnet: “même si les émissions de rayonnement induisent des niveaux d’exposition sans danger pour la santé publique et comparables à ceux que l’on trouve dans la région; même si ces rayonnements sont encore plus faibles lorsque le lac est en eau, je ne pouvais prendre la responsabilité d’une remise en eau sans en avertir les autorités sanitaires. On conçoit mal que l’on puisse, jusqu’à la prochaine vidange, laisser se déposer de nouvelles vases qui pourraient s’apparenter à des déchets faiblement radioactifs.” En clair, il faut entreprendre des travaux maintenant, et tant que le lac n’est pas encore en eau. Le problème est: que faire de ces vases radioactives? Des solutions vont être envisagées avec la réunion d’une commission réunissant des représentants de l’état, des scientifiques, les maires des communes concernées et … la COGEMA.
“Pas de danger pour les populations”…
Ces mesures ont été réalisées à la demande du Conseil Général. Elles ont été réalisées par le CEMRAD (Centre d’Etude et de Métrologie des Rayonnements nucléaires et de Dosimétrie) de l’université de Limoges, le CNRS, le CFR (Centre des Faibles Radioactivités) et de CENBG (Centre d’Etudes Nucléaires de Bordeaux-Gradignan). Des mesures dosimétriques et de concentration en radio-éléments qui ont mis en lumière plusieurs faits déjà connus. D’abord, le lac plein dégage une radioactivité “banale” au niveau des poissons, du sable et de l’eau. Ensuite, la maintenant fameuse arrivée du Ritord qui avait donné des signes inquiétants lors du lac en eau a confirmé les prévisions. Pour le Professeur Decossas, directeur du CEMRAD, il est en l’état hors de question de remettre le lac en eau, car il y a un déséquilibre de la chaîne radioactive qui n’est pas naturel. Selon les experts, “il n’y aurait pas de danger pour les populations”. Les analyses des poissons vendus lors de la pêche donnent des “valeurs se situant dans le domaine courant”. Pourtant, on sait qu’une exposition trop longue à des radiations n’est, à priori, pas recommandée. Danger ou pas danger, le sujet est en tout cas suffisamment sérieux pour inquiéter les élus et ces mêmes experts. Mais il est vrai qu’en matière de nucléaire, la transparence n’a jamais été la règle.
Il faut savoir que le Ritord traverse les anciennes installations de la COGEMA et donc des gisements naturellement riches en uranium. Néanmoins, il est légitime de s’interroger sur la manière dont les eaux sont effectivement traitées, sachant que trois stations de traitement des eaux sont réparties tout le long du parcours, appartenant à la COGEMA, qui selon les responsables, “correspondent aux arrêtés préfectoraux et dont les résultats sont transmis à la DRIRE”. Si aucune anomalie n’avait été constatée à ce jour, ce taux élevé de radiation ne doit pas dater d’hier. Certains s’interrogent d’ailleurs sur les contrôles effectués par le CRIIRAD et dénoncent les “mauvais voisins” qui contribuent peu à améliorer l’image du lac.
…Mais des craintes pour l’économie
En l’état actuel des choses, la remise en eau de Saint-Pardoux n’est donc pas prévue avant de nouvelles expertises et des travaux pour régler (définitivement?) le problème. Et plus cette remise en eau sera retardée, plus la saison touristique sera compromise. Une catastrophe pour les communes alentours et toute la région. Au niveau des emplois, la structure publique comprend treize employés à plein temps, auxquels se rajoutent environ 70 saisonniers. Mais Saint-Pardoux draine aussi tout un tas de petits emplois. Il fait aussi fonctionner les commerces des communes alentours. Comme le souligne Yves Buisson, gestionnaire du lac, “le moindre franc injecté dans Saint-Pardoux l’est aussi dans l’économie locale”. Le lac, c’est aussi un investissement de 35 millions de francs réalisé depuis 1991 par le Conseil Général, pour améliorer une digue, les voiries (…) mais ce sont aussi des tours-opérators qui ont déjà commencé les réservations, des centres d’hébergement remplis d’avance… Enfin, il ne faut pas oublier les efforts déployés par tous, élus et habitants, pour faire du lac le symbole du tourisme vert et de la qualité de vie dans notre région. Si la saison touristique 1999 était annulée, l’image générale en souffrirait. D’autant plus qu’une forte majorité des touristes viennent des pays nordiques, où l’on est plus sensible qu’en France aux problèmes d’environnement.
On ne peut présager de l’avenir de la prochaine saison touristique, même si le pessimisme semble de rigueur, ni prévoir les conséquences pour l’économie locale et l’image d’une région déjà ternie à mainte reprise par les problèmes de pollution. On peut par contre se féliciter de la transparence qui accompagne cette affaire. Reste que des coupables devront être désignés, si ce n’est déjà fait. Et qu’ils devront pour une fois assumer.
Écho du centre 17/10/1998
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PREMIERES REACTIONS
“Je propose qu’une commission se mette en place pour travailler dans le calme, en toute sérénité et en toute transparence à la recherche de solutions aussi rapides et efficaces que possible. Dans mon esprit, elle devrait comprendre des représentants du Conseil générale, de l’Etat, de la COGEMA, des scientifiques, les maires des communes riveraines, les associations de protection de l’environnement…
Si la responsabilité de l’ancien exploitant des mines en amont du Ritord était avérée, il devrait assumer, sous strict contrôle, la responsabilité” de cette opération (les travaux d’enlèvement des vases) et en assumer le financement.”
“Notre préoccupation est d’assurer en premier lieu la sécurité des gens, puis le développement du tourisme. Je pense que le département va s’entourer de tous les gens compétents, et qu’il est prématuré d’inquiéter les gens. Mais la sécurité est en jeu, je vois mal comment nous pourrions quand même débuter la saison. Par contre, économiquement, c’est un gros préjudice pour le lac. Pas de saison égal pas de chiffre d’affaire.”
“Nous n’avons pas tous les éléments en notre possession. Le lac de Saint-Pardoux est en tout cas une zone riche en uranium, traversée par le Ritord. C’est donc un milieu favorable à l’accumulation d’uranium naturel, où l’on trouve un ruisseau avec beaucoup de courant qui entraîne les minerais, et un lac stagnant. Les taux cités correspondent au maximum à un minerai pauvre.
La COGEMA est prête à mettre à disposition ses compétences et ses techniques pour résoudre cette affaire.
“Cela m’inquiète vraiment, d’autant que j’ai une partie du lac sur ma commune (Santrop) concernée par le Ritord. On avait déjà eu des difficultés avec le stockage des déchets…
Il faut espérer que toute la lumière soit faite sur cette histoire qui touche toute une partie de l’économie de la commune et de toute la région.”
“J’ai la position d’un agriculteur qui a loué un mauvais terrain, le gère, mais a un mauvais voisin.
Mais il ne faut pas dramatiser le danger que ces taux représentent. d’autant que c’est un problème qui a pu se produire il y a plus de 15 ans.
Par contre, c’est une catastrophe pour l’économie!”
interviews N.Y.
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Saint-Pardoux s’envase dans les boues radioactives.
La remise en eaux du lac de Saint-Pardoux est repoussée à plus tard. Après la pêche miraculeuse, le temps est venu de regarder à deux fois les vases de fond dont une partie révèle une faible radioactivité, essentiellement sur le bassin versant du Ritord. Ce ruisseau qui aliment le lac avec la Couze est aujourd’hui montré du doigt. traversant les zones minières qui étaient exploitées par COGEMA, il aurait, au fil du temps, déversé des sédiments susceptibles d’êtres contaminés. Le contexte uranifère du paysage local avait d’ailleurs incité Jean-Claude Peyronnet, président du Conseil général de la Haute-Vienne, collectivité propriétaire du site, à commander des mesures radioactives au laboratoire de l’université de Limoges et du CNRS bien avant la vidange du lac.
Aujourd’hui, le département va plus loin en jouant la sécurité et la transparence. La sécurité en demandant la poursuite des analyses scientifiques rigoureuses engagées, la transparence en mettant en place au plus tôt une commission présidée par le préfet de région et réunissant les représentants du Conseil général, de la communauté scientifique, de COGEMA, des maires des communes riveraines et des associations de protection de l’environnement. “Je souhaite que cette commission travaille en toute sérénité à la recherche de solutions aussi rapides et efficaces que possibles”, a déclaré hier Jean-Claude Peyronnet lors d’une conférence de presse. Les autorités de l’Etat, le directeur de la COGEMA et l’ancienne présidente de CRII-RAD (Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité) ont été alertés.
Trois études concordantes
Le débat se déplace à la fois sur le terrain scientifique, politique et économique.
La principale question posée sur les analyses présentées hier par le professeur Jean-Louis Decossas, directeur du centre d’études et de métrologie des rayonnements nucléaires de l’université de Limoges et du CNRS, ne concerne pas les résultats mais leur interprétation possible. Au moins 300 prélèvements ont été soumis à analyse à deux autres laboratoires: le centre des faibles radioactivités de Gif-sur-Yvette et le centre d’études nucléaires de Bordeaux. “Les trois études remises au Conseil général concordent, explique le professeur Decossas. “C’est au niveau du Ritord que les précipitations de radioéléments dans la vase se révèlent les plus fortes avec un taux de 20.000 becquerels par kilo. Le niveau d’uranium 238 est de 10 à 20 fois supérieur à la moyenne. S’il n’y a aucune menace pour la santé publique, il est raisonnable d’envisager un traitement de cette partie du lac avant sa remise en eau, compte tenu de sa vocation touristique”.
Les scientifiques poursuivent leur travail sur place. Une cartographie de l’activité des vases en surface est en cours. En profondeur, les carottages effectués, qui sont en cours d’analyse, ne devraient que confirmer la présence de radioéléments et d’uranium en solution dans la zone d’arrivée du Ritord.
Lever tout ambiguïté.
Au plan politique, Jean-Claude Peyronnet prend l’initiative afin de lever toute ambiguïté. Non sans rappeler que le lac de Saint-Pardoux est propriété du département depuis 91 seulement. Sa réalisation, précise-t-il avait été décidée par l’Etat en 1968 dans le cadre du programme de rénovation rurale et sa mise en eau avait été effectuée en 1976.La première vidange, il y a dix ans, avait été consacrée à la réfection de la digue dont nous avions constaté la porosité et le dangerosité. A l’époque, les risques de radioactivité n’étaient pas évoqués. En vertu du principe de précaution, il m’a semblé nécessaire de faire procéder à des analyses. Elles ont d’abord été effectuées dans le lac plein, démontrant une activité banale des eaux de baignade, similaire à une eau de mer côtière, avec des valeurs en deçà des limites légales pour les poissons. Des mesures complémentaires ont été effectuées, le lac étant vide. C’est cette campagne de mesure qui a révélé des teneurs significatives en radioéléments dans les vases du lac, au débouché du Ritord”.
Même si selon les scientifiques consultés, les émissions de rayonnements sont comparables à ceux que l’on rencontre dans la région – y compris dans le centre-ville de Limoges – le département ne veut pas prendre le risque d’une remise en eau pour une décennie sans alerter toutes les autorités concernées. Il paraît probable qu’il conviendra d’évacuer les vases et sédiments. Mais qu’en faire? Et à quel coût?
Détournement de la clientèle
On se rapproche là de l’aspect économique. Le plan d’eau à vocation touristique ciblait une clientèle des pays nordiques qui risque de se détourner du pays de Saint-Pardoux.
D’ores et déjà, on peut dire que la saison 99 est compromise avec à la clef une perte sèche de 5 millions. C’est le chiffre d’affaires direct de la station qu’il convient de multiplier par trois avec les effets induits sur l’ensemble de la région. A plus long terme, il conviendra de rénover l’image du site touristique. Et ce ne sera pas le plus facile.
Raymond Dumas, populaire du centre du 17 octobre 1998
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