Saint-Pardoux radioactif

A Jouac, c’est pas la joie. Jouac. La dernière mine d’uranium encore exploitée dans l’Hexagone. Après extraction du minerai, les boues radioactives sont simplement balancées dans une immense carrière, sans la moindre protection. Armés d’un compteur Geiger, on a mesuré, à leur proximité, une radioactivité 20 fois supérieure à la normale. Mais le pire, c’est que, avec la pluie, les Becquerels filent dans le sous-sol. Et, en cas de vent sec, la poussière nocive arrose les prés et les villages environnants. Quant au radon, gaz cancérigène, il est évacué des galeries minières par de banales aération, qui le crachent sur les fermes voisines. De plus, alors qu’elle n’y est pas autorisée, la COGEMA balance allègrement sur le site des résidus contaminés de toutes sortes: tuyaux, grillages, etc.

Baignade radioactive. A quelques kilomètres de Jouac, le lac de Saint-Pardoux était un haut lieu du tourisme local. Des milliers de personnes s’y sont baignées et y ont pêché (NDW: malheureusement j’en fait partie). Or il accueille un mignon ruisseau, le Ritord, dont l’unique défaut est d’avoir traversé six anciennes mines d’uranium. C’est à son embouchure qu’ont été mesurés les plus forts taux de radioactivité. De plus, un des bords du lac jouxte une ancienne mine.

Des Becquerels plein les routes. Les roches extraites des mines ont longtemps été utilisées par les entreprises de bâtiment. Après broyage par le concasseur, ces “stériles” – dont le taux de radioactivité était 20 fois celui du granite naturel – servaient à la fabrication de routes ou même de bâtiments. on a découvert dans l’école des Homérides à Limoges, une radioactivité affolante…

Radium ou Baryum? En contrebas des anciennes mines et des sites de stockage, on trouve toujours des bassins, censés récupérer les eaux d’infiltration. Une flopée de produits chimiques (soude, baryum…) sépare l’eau des minéraux radioactifs. Ceux-ci s’amoncellent alors au fond des bassins de décantation, avant d’être récupérés par la COGEMA. Mais les eaux, avec leur cocktail empoisonné, sont balancées dans le premier ruisseau qui passe par là!Dans tous les cas, il est utopique de songer à récupérer la totalité de la flotte traversant le site minier. Le sous-sol granitique est bourré de failles, et il n’y a jamais eu de véritable étude hydrologique sur le devenir des eaux d’infiltration. Difficile de croire que les légumes qui poussent dans les champs proches n’aspirent pas leur part de Becquerels.

De plus, les ouvriers qui pompent les boues n’ont aucune protection. Ils appartiennent à une société de nettoyage parfaitement classique, dont les camions, contaminés, serviront un jour au nettoyage d’une fosse sceptique, des égouts de la ville, ou d’une cave inondée.

L’enfer de Jeannette. Pendant des années, les camions de boues radioactives sont passés devant chez Jeannette Gorbi, à Bessines-sur-Gartempe. “Il y en avait toutes les 3 minutes, ils n’étaient même pas bâchés et leurs bennes s’ouvraient sans arrêt.” La maison baignait en permanence dans les poussières radioactives: 2000 Bq/m3 dans la salle à manger! Après avoir tenté d’intimider Jeannette, la COGEMA a fini par lâcher la manne financière.

Poubelles nucléaires. A Bessines, on ne trouve pas moins de quatre sites de stockage de boues radioactives. Celles-ci sont balancées dans d’anciennes mines à ciel ouvert. Quelques mètres de terre par là-dessus, et l’affaire est emballée. En théorie, on ne peut pas pénétrer sur ces sites. N’empêche qu’on a pu marcher sur celui de Montmassacrot sans rencontrer de barrières…En surface, des appareils de mesure de la radioactivité rassurent le villageois: ça ne mange pas de pain, vu que c’est essentiellement le sous-sol qui trinque. A Bellezanes, par exemple, notre guide, Anna Elsink, a visité les galeries minières qui passent sous le stockage, et elle affirme avoir vu “les boues filtrer par le plafond”.

Quand aux anciennes mines à ciel ouvert, elles deviennent réserve de chasse, site de plongée sous-marine (NDW: l’ASPTT plongée s’y entraîne régulièrement, ce sont les seuls endroits de la région où l’on peut descendre à moins 40 mètres et plus.), ou de pêche à la mouche (NDW: c’est la meilleure!), quand on les a noyées! Alors que l’eau “lèche” toujours la roche radioactive…

La COGEMA sereine. A la COGEMA, Gérard Milville et Philippe Crochon jurent que “le compactage des boues rend les terrains imperméables”. La radioactivité serait naturelle et l’effet des mines négligeables. A propos, le seul reportage jamais réalisé sur l’uranium du Limousin – un “Envoyé Spécial” – n’a jamais été diffusé. France 2 ne donne aucune explication. Bizarre, non? Certains soupçonnent des pressions de la COGEMA. Les médisants!

Cèpes ionisants. Au bord d’un champ, un reste de canalisation. On approche le compteur Geiger: elle est trois fois plus radioactive que les sol. Mais la COGEMA se protège éternellement derrière la notion de “faible dose”. Pourtant, il n’existe aucun seuil en deçà duquel la radioactivité serait sans effets. Est-ce un hasard? Le Limousin détient le record de la mortalité par cancer (3,4% des décès, contre 2,5% en moyenne nationale, en 1990).

  • Merci à Thierry Lamireau, Michèle Granier et Anna Elsink. Pour en savoir plus, vous pouvez commander le film Uranium en Limousin, de Thierry Lamireau, membre du Collectif limousin antidéchets. Tél: 0555778399.



[ RETOUR ]