Charlie Hebdo rend le titre “Front national” à la Résistance

REBONDISSEMENT: LE “FN” VIT TOUJOURS!

En 1945, les résistants avaient enregistré une association “Front national”, à “durée illimitée“. Le FN existe donc. Et ce n’est pas celui des fachos.

Il y en a qui ont déjà tout compris. Samedi, à l’heure où le parti mégrétiste accouchait à Marignane, un collectif Justice et Liberté fleurissait de vingt roses blanches la tombe d’un résistant strasbourgeois, décapité par les nazis en 1942. En déclarant que “l’appellation Front national appartient à l’histoire de la Résistance et n’a rien à voir avec les héritiers de Pétain qui tentent del’accaparer“.

Mégret lui-même l’a saisi, d’ailleurs. Puisqu’il vient de baptiser son parti ” FN – Mouvement national “. Dans l’attente du jugement qui lui retirera “FN“. Surtout, la moitié des français ont également compris. Dans un sondage publié vendredi dernier par Le Parisien, 40% d’entre eux jugeaient que Le Pen était le seul à pouvoir inscrire “Front national” sur ses cartes de visite. 14% que l’appellation appartenait, au contraire à Mégret. Et 56% refusaient de se prononcer.

Ceux-ci ont raison. L’appellation n’appartient ni aux vieux, ni aux jeunes fachos. Elle a été déposée par Charlie, le 18 décembre, à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI). Au nom des anciens du mouvement de résistance “Front national“.

Mieux : ce Front national existe toujours. A travers son “liquidateur national” – chargé de fournir des attestations aux anciens du réseau. Mais aussi à travers une association.

On ne l’a découvert que la semaine dernière. Mais c’est essentiel : à la Libération, les résistants du Front, au nombre desquels le prix Nobel Joliot-Curie et l’ancien ministre Justin Godard, ont voulu doter le réseau d’une existence juridique. Le 22 février 1945, ils ont donc enregistré une association baptisée ” Front national“. Et dont l’article 5 des statuts est formel : ” La durée de l’organisation est illimitée.

En clair : Le Pen n’a pas seulement oublié de passer à l’INPI. Il a également spolié une association existante. Ce qui, devant la justice, risque fort de lui coûter sa dénomination.

Certes, cela ne changera rien aux idées des fachos. Mais : 1. cela les emmerde, ce qui est réjouissant ; 2. cela rend aux résistants l’honneur de leur jeunesse, ce qui est juste ; 3. et – ce qui est pédagogique – cela souligne, par contraste, l’écart existant entre les uns et les autres. Entre les maquis et les néonazis. La tolérance et le racisme. Entre ce qui devrait être et ce qui risque nous tomber sur la figure, si l’on ne résiste pas.

Enfin, cela devrait, au passage, nous faire économiser de l’argent. Parce que c’est cher, les plaques en marbre. Jusqu’à présent, celles qui rappelaient le souvenir des fusillés devaient être sous-titrées. Comme à Givors, dans le Rhône.

Mais il n’est pas impossible que la situation s’inverse rapidement. Et qu’on n’ait plus besoin de sous-titrer qu’une plaque à Saint-Cloud : ” Ici s’élevait le siège du Front national“. Avec inscrit, en dessous : “Ce FN, aujourd’hui disparu, n’a rien à voir avec celui qui combattait le nazisme. Tout au contraire.

François Camé et Anne Kerloc’h, Charlie Hebdo du 27 janvier 1999.

[ RETOUR ]